Queen mary 2
(15 novembre 2003)
Au port de Saint Nazaire
« Queen Mary 2 » sur cale sèche attend...
Ce n'est plus un bateau, c'est déjà Léviathan.
En ce temps du rosaire
Son coeur résonne encor des accords du soudeur
Qu'à peine nouveau-né il se veut commandeur.
Aux portes de l'estuaire
Le vaisseau immobile au lourd ventre d'acier
Repu, semble dormir et se laisse apprécier.
Ne dirait-on revoir, renfloué des enfers
L'orgueilleux Titanic ?
Sorti des profondeurs la blanche Moby Dick
Par Achab mise aux fers ?
Heureux de l'admirer les joyeux Nazairiens
Autour de lui pullulent
Tels lilliputiens venus voir Gulliver.
A l'homme trop souvent se prenant pour un Dieu
Poséidon exige un holocauste odieux :
- "A ce baptême offert,
Pour prix de cet orgueil, devoir mêler il faut
Au champagne le sang, à la gerbe la faux !"
Ainsi, en cet après midi
D’un dimanche pluvieux
Avant qu’il ne s’en aille voguer sous d’autres cieux
Léa Yves et Charlène depuis l’embarcadère
Leur service accompli pour se récompenser
Sont venus le saluer et fêter ses adieux,
A l'heure du calvaire...
Quarante cinq d’entr’ eux depuis la passerelle
Verront en un instant précipiter leur sort
Dans un gouffre d’enfer,
Dont seize franchissant le Léthé
Seront morts
En un éclair d’hécatombe sans ailes.
Non seulement content d’avoir été servi
Léviathan s’est repu goulûment de leurs vies !
Le port drapé d'un catafalque sur les toits
A pris le deuil.
Ses grues ont pris forme de croix.
L’orage les bénit et ses vents « thurifèrent ».
Quand la Mer et la Mort ont même résonance
La feuille et le terreau sont sur même fréquence
Que l'orgueil et le suaire.
Au milieu de la nuit, de la cale aux martyrs
Sur fond de Golgotha, on entendra gémir
La voix de Saint Nazaire :
- "Pourquoi devoir payer de cette atrocité
Ce tribu de Babel à mon droit de cité ?"