Le fleuve
Vibre source des eaux
En tes couches solennelles !
Enfante ton ruisseau
Entourée des prêtresses
Ces neiges éternelles
Qui près de toi s’empressent.
Quand le printemps s’éveille
Sur le lit de la mousse
Eau vive de la treille
En sautant du berceau,
Sur la roche éclabousse,
Les fusains et roseaux !
Chante gentil cours d’eau
Ta chute à des réveils
Qu’enchante l’étourneau,
Donne à boire au lapin
Qui compte ses soleils
En sautant sous les pins !
Glisse au souffle du vent,
Vas miroir des pêcheurs
Aux bouchons indulgents,
L’amour porte la terre
Tout est calme et fraîcheur
Tout peut encore se faire !
Passe jeune rivière
Abandonne à l’amont
La truite familière,
Passe chez les humains
Et charrie leur limon
Sous les roues des moulins !
Trime torrent captif
Tu bordes ton eau noire
D’un sanie maladif,
Trime dans les usines !
Tu n’es plus bonne à boire,
Raisiné des turbines !
Pleurs fleuve abusé
Déjà tes ondes rident
Et ton sang est usé.
Tu t’alanguis le soir
Dans des pensées morbides
Coulant au déversoir.
Meurs ingénu poète !
C’est la fin d’un voyage.
A ta mort le vent jette
Sans faire de sermon
Sur ton dernier rivage
Des bouquets de goémon
Pris dans la marée noire !...