Compagnon de la misère
Le compagnon de la misère
Tas de fagot couché par terre
Dans un édredon de brouillasse
Le long du canal Saint Martin
A le froid pavé pour paillasse
Une bise en réveil matin.
Sa tête sur de vieux journaux
Le nez sanguin sous un chapeau
Et sur l’épaule une pelisse
Frigorifiée couleur de rien…
Il dort sous l’oeil de la police
Qui veille au sort du citadin !
Aux miséreux la nuit est courte
Mais, avant que la mort n'écourte
Leur destinée, l'aube décide
Pour ceux qui ne possèdent rien !
Dans la rosée par trop acide
Le sommeil est l'unique bien.
Sous l'œil blafard des réverbères
Endormis des matins austères,
Dans une brume qui enivre,
Comme des buissons empesés
Les humbles gueux secouent le givre
De leurs membres ankylosés.
En grognant en guise d'ave
Le vagabond s’est relevé,
Et suivant le train d’un chaland
J'ai vu son ombre s’évanouir
Comme celle d’un vétéran
Tournant le dos à l'avenir.