Les compagnons de la misère
Le compagnon de la misère
Tas de fagot couché par terre
Dans un édredon de brouillasse
Le long du canal Saint Martin
A le froid pavé pour paillasse
Et la bise en réveil matin.
Sa tête sur de vieux journaux
Le nez sanguin sous un chapeau
Et sur l'épaule une pelisse
Vermoulue, couleur de rien…
Il dort sous l’oeil de la police
Qui veille au sort du citadin !
A quoi rêve cet esseulé
Sous son baldaquin étoilé
Chemine-t-il dessous sa toile
A travers des champs exotiques ?
Déchire-t-il les mille voiles
De ses fantasmes érotiques ?
Dans les limbes de son errance
Dieu ! Aide le par ta clémence
Sur son hiver à triompher !
Invite le dans ton église,
Pour qu’il entre s’y réchauffer
Avant qu’il ne se paralyse !
Le sommeil est l'unique bien
A ceux qui ne possèdent rien.
Mais, avant que la mort n'écourte
Leur destinée, l'aube décide...
Aux miséreux la nuit est courte
Et la rosée par trop acide.
Sous l'œil blafard des réverbères
Endormis des matins austères,
Dans une brume qui enivre,
Comme des buissons empesés
Les humbles gueux secouent le givre
De leurs membres ankylosés.
En grognant en guise d'ave
Le vagabond s’est relevé,
Et suivant le train d’un chaland
J'ai vu son ombre s’évanouir
Comme celle d’un vétéran
Tournant le dos à l'avenir.
Au plaisir et à bientôt
Jacqueline
Marie-Andrée