Un matin à Fayoum
Pendant que claquent au vent
Les cent portes de Thèbes
Dans une aube dorée, penché sur le Fayoum
L’oasis s’abreuve du sang de Canaan.
Le désert respire lentement
Comme un sphinx qui dormirait encore.
Des silhouettes de femmes drapées
Dans leur mélaya noire,
Leur ballas en aplomb sur la tête
Traversent silencieuses
Comme des embaumeuses
Le large corridor du temps.
Glissant sur les premières lueurs du jour,
Une felouque palpite aux pulsations du Nil,
Sa caresse sensuelle déployée à la brise
Semblable à l’aile blanche d’un ibis.
La palmeraie marche vers le soleil
Parée d’orfèvreries et parfumée d’encens,
Odalisque portant à mille bras tendus
Les plateaux de dattiers aux vertes abondances.
Des conques luxuriantes dégorgent
Des ruisseaux de verdures et de fleurs
Qui éclaboussent d’ombre en résilles perlées
Les tapis bayadères aux fils d’or tissés.
Les flamboyants passent leurs incendies
Aux palétuviers et aux jasmins incandescents.
Tandis qu’aux premières heures
Memphis se cristallise dans des éclats d’albâtre
La nécropole de Saqqarah résonne
Des lamentations des pierres.
Semblables aux oiseaux de Braque
Portes ouvertes aux cieux
Les pigeons inspirés, en grandes envolées
Dessinent leurs poèmes sur les champs de coton,
Survolant les conclaves d’ostensoirs impies
Des tournesols irradiants.
Encore humide, la terre est miel
Comme la ruche d’une amante.
Sa chaleur monte des couches
Dans des vapeurs amarantes.
Suzeraine, sortie d’un sérail secret,
Un voile sur les reins,
Samiha danse sous un palmier,
Aux sons acidulés du zem
Que rythment les battements du tambourin.
Samiha danse…
Son ventre se balance.
L’amour kaléidise l’iris de ses yeux,
Sa bouche appelle des semences.
Samiha danse…
Assis dans l’ombre suspendue
Akhenaton regarde Néfertiti danser.
Au loin, à l’horizon, bornes interstellaires
Posées sur la vaste plage du ciel,
Les pyramides tracent la piste
Aux longues caravanes des dieux.
Tel un cerbère
Gardant la porte des enfers,
Le Sphinx, en éveil
Compte l’éternité
Soleil après soleil.